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Elle a quitté sa Normandie natale pour arpenter le monde. Elle a d’abord étudié le droit, par souci de justice plus que par amour de la règle. Puis ensuite elle a rencontré l’Afrique, moins par attrait touristique que pour découvrir l’autre. Fille et petite-fille d’instituteurs, elle n’oublie pas ses racines : elle continue de transmettre, aujourd’hui, à sa façon. Dans ce portrait vidéo, Mariette Chapel, fondatrice de l’association Afrika Tiss, nous raconte son histoire. A mi-chemin entre tissage éthique et métissage culturel.

L’injustice, je l’ai toujours ressentie, petite j’avais déjà envie d’aider ceux qui étaient fragiles“, se rappelle Mariette Chapel. Elle sourit. Après ses études de droit international, elle garde le très vivant souvenir de sa première expérience du Burkina Faso, au service des visas de l’ambassade de France. Elle y découvre une administration consulaire “assez déstabilisante : je trouvais qu’on n’accueillait pas toujours très bien les demandeurs dans nos services consulaires“.

Changer les entreprises de l’intérieur

Puis viennent les premières ONG, les premiers plaidoyers, les premiers combats. Comme la parité femme-homme en Afrique, “pour faire entendre la voix des femmes, leur vision de la paix et leur vision du développement post-conflit“, qui tranche avec les discours masculins sur le partage du pouvoir. Ou encore le changement à opérer au coeur même des entreprises, lorsqu’elle se penche sur les sociétés du CAC 40 et leurs pratiques de responsabilité sociétale, qui la convainc de rechercher toutes les synergies possibles plutôt que de s’enfermer dans un regard manichéen qui opposerait gentilles ONG et méchantes entreprises.

Mais j’avais la frustration de ne pas être dans le faire“, poursuit-elle. “J’ai voulu être moi-même actrice d’un changement qui me correspondrait, j’ai essayé d’imaginer le projet qui me ressemblerait le plus“. Un projet composé de richesses culturelles à double sens, qui viendrait nous montrer comment l’Afrique peut elle aussi nous aider, de bien des manières. Le premier déclic est arrivé assez tôt. Elle raconte.

Mourir dans une maison de retraite ? C’est grâce à nos anciens que l’on peut grandir

Ma première fois au Burkina Faso, c’était l’année de la canicule : il faisait plus chaud en France qu’au Burkina. Les Burkinabés écoutaient RFI et commentaient l’actualité de nos personnes âgées qui mouraient isolées : ‘Les pauvres, les pauvres’, disaient-ils ! Parce que là bas, les portes sont faites pour être ouvertes. Il est impossible d’imaginer que l’on n’a pas vu son voisin le matin. Cet isolement chez nous, qui fait que l’on peut mourir dans l’anonymat, est inconcevable pour eux. Là-bas, on ne peut pas laisser les vieux seuls dans une maison de retraite, car c’est grâce à eux que l’on peut grandir. Voilà ce que l’Afrique peut apporter à notre monde occidental européen“.

Mariette Chapel rêve alors d’un lieu dédié aux artistes de l’Afrique contemporaine à Paris. Mais la réalité économique la rattrape. Elle ne se sent pas les épaules. Elle se tourne alors vers “quelque chose de plus réaliste, l’artisanat“. Une piste intéressante pour différentes raisons : le lien avec le Burkina Faso, la filière textile locale, le tissage traditionnellement masculin qui s’y féminise, la valorisation par conséquent du rôle de la femme dans le développement économique. Mais aussi l’idée de structurer une filière textile équitable et écologique locale, à base de coton bio certifié par Ecocert, qui permettrait de préserver les cultures vivrières alentour et qui relocaliserait du même coup en Afrique la production du wax, ce tissu imprimé très porté en Afrique… mais fabriqué en Chine.

Afrika Tiss, des collections textile locales vendues à l’international

Ainsi, a germé le projet Afrika Tiss. Sous forme de lieu de rencontre d’abord, entre artisans, tisserandes ou designers textile, qui venaient échanger et partager leurs compétences au travers du medium de la création, sans jamais se mettre en compétition. En 2013, le premier projet de centre textile voit le jour à Ouagadougou. Il propose formations, élaboration de collections locales et vente à l’international.

En 2015, naît le deuxième projet d’Afrika Tiss, conduit avec le Haut Commissariat aux Réfugiés de l’ONU : un accompagnement à la création d’unités de production coopératives locales pour des touaregs qui ont fui la guerre au Nord-Mali, avec distribution internationale de leurs produits dans le respect des standards de qualité attendus par le marché. Au bout du compte, 10 femmes formées à la couture, 30 au tissage, 50 personnes impliquées sur le programme et des ventes en Europe, aux Etats-Unis, au Japon… et à Paris, dans le showroom du tiers-lieu des Grands Voisins, qui permet d’avoir un retour direct et instructif des clients.

Un nouveau tournant, pour retrouver la terre

Pourtant, après 7 ans d’Afrika Tiss, Mariette Chapel est à un nouveau tournant.C’est compliqué d’être à Paris quand on est acteur de l’économie sociale, reconnaît-elle. D’abord parce qu’il est difficile de se dégager des revenus suffisants, mais aussi parce que face aux enjeux d’aujourd’hui, j’ai besoin de me reconnecter à la terre. Parler d’écologie sans comprendre la terre, c’est rester dans une bulle théorique, dit-elle. Mais comment comprendre la terre dans une univers fait de béton ?

Elle cherche donc à présent un univers différent, qui lui donne envie de réapprendre à vivre. Pour mieux se ressourcer. Se retrouver elle-même. Et repenser le monde, encore une fois, sans aucun doute.

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