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Certains les nomment “les Barbares”. De nouveaux acteurs, qui débarquent sur un marché en misant sur le potentiel du numérique, menaçant la survie des professions de tout un secteur. Le phénomène de l’ubérisation touche les chauffeurs de taxi, les hôteliers… Désormais, les associations aussi sont menacées. Mais elles peuvent y survivre.

 

Par Elodie VIALLE,
Journaliste et chroniqueuse
(Voir son compte Twitter)

Des structures historiques au fonctionnement obsolète

D’un côté, des associations d’insertion et d’action sociale vieillissantes, héritées du Front Populaire et de l’après-guerre. “Ce sont des structures verticales, très hiérarchisées, et de fait, l’information circule lentement”, analyse Denis Pansu, responsable de l’innovation ouverte à la Fondation Internet Nouvelle Génération (FING). Contrairement aux jeunes organisations, plus réactives, “qui intègrent d’emblée des logiques de réseau”, comme le site de pétitions Change.org.

 

Une incompréhension du numérique

A son arrivée, le web a d’abord été ignoré par les associations, puis regardé avec méfiance. Parfois même avec découragement. Il est aujourd’hui considéré comme un sujet important mais pas encore stratégique. “Les associations ont encore une vision logistique du numérique alors qu’il modifie la nature même des projets”, insiste Denis Pansu. Dans les structures plus jeunes, les dirigeants sont souvent au contraire des digital natives, à l’image de la communauté Makesense, qui met en relation bénévoles et entrepreneurs sociaux.

 

Une « disruption » limitée : les jeunes structures sont parfois des coquilles vides

Sortis d’école de commerce dans la foulée de la crise de 2008, désireux de trouver un travail qui ait du sens, les jeunes porteurs de projets sont habitués à faire des business plans. Pros du marketing, ils ne maîtrisent pas toujours un métier. Quitte, parfois, à produire des coquilles vides, très bien marketées pour trouver une audience sur les sites de crowdfunding.

Certains projets sont ainsi bien réfléchis en termes de communication et de développement, piliers indispensables pour lever des fonds, mais moins sur le plan de l’impact social. “Les réfugiés sont aujourd’hui perçus comme une “‘opportunité’ et beaucoup de projets se créent sans connaissance réelle de leurs problématiques”, déplore par exemple Nathanaël Molle, fondateur de Singa, un mouvement d’échange entre réfugiés et la société d’accueil.

 

Des bailleurs de fonds plus sensibles aux « projets »

Si beaucoup veulent créer leur projet, au lieu de rejoindre une structure existante, c’est aussi parce qu’il est plus simple d’aller chercher des bailleurs de fonds : ceux-ci, en privilégiant le financement par projet plutôt que le financement d’une structure et de ses emplois salariés, ont une responsabilité directe dans l’émergence de multiples initiatives, parfois redondantes et un peu creuses. Tout en regrettant, évidemment, l’incapacité des porteurs de projet à s’allier pour demander des fonds…

 

S’adapter ou mourir : intégrer les innovations

A l’image des grandes entreprises qui rachètent des start-ups, certaines ONG françaises choisissent d’intégrer des projets plus jeunes, développant ainsi l’intrapreneuriat en interne. Sans sombrer dans une réflexion “tout web” qui supposerait qu’à chaque problème correspondrait une plateforme -la réalité est évidemment plus complexe- les associations doivent aujourd’hui s’allier avec des structures plus petites et plus numériques avec, en ligne de mire, la quête d’un meilleur impact auprès des bénéficiaires. C’est ainsi que les Petits Frères des pauvres ont repris et développé une initiative locale, Voisin-Age, une communauté web qui met en relation personnes âgées et voisins de proximité.

 

Ouvrir les instances dirigeantes associatives aux jeunes

Dépasser la querelle des anciens et des modernes implique aussi de céder une place aux jeunes dans les instances de décision. “Les anciennes organisations ne font pas une place suffisante aux jeunes, ni dans l’emploi salarié, ni dans le renouvellement de leur conseil d’administration”, note Pierre Mahuteau, qui accompagne des jeunes pour l’Atelier IDF, centre de ressources sur l’économie solidaire. Résultat : les jeunes se tournent vers des organisations plus connectées, qui séduisent avec un discours facebookien : chez elles, on change le monde derrière son Mac, dans des open-space colorés.

 

Les organisations historiques doivent donc s’ouvrir davantage aux jeunes, issus d’écoles de commerce mais aussi aux parcours de vie différents. Si le PDG du groupe Accor fait appel à des moins de 35 ans, les associations peuvent le faire également ! Sans oublier de revoir leur mode de gouvernance, avec une prise de décision moins pyramidale. Une étape indispensable, si elles veulent survivre et continuer d’avoir un réel impact auprès de leurs bénéficiaires.

 

Elodie VIALLE

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