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Mais quelle mouche a piqué Laurent Grandguillaume ? Sur son blog, l’ex-député de la Côte d’Or, aujourd’hui président bénévole de l’association « Territoires zéro chômeurs de longue durée », s’en est pris vertement, samedi, à la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, qu’il accuse de « sabotage ». Et de dénoncer dans la foulée le « torchon » publié vendredi par l’économiste Pierre Cahuc, proche du Ministère du Travail, qui remet en cause le succès du dispositif « Territoires zéro chômeurs ». Celui-ci est expérimenté sur 10 territoires en France, et bientôt en Belgique. Il a permis d’embaucher en CDI plus de 850 personnes qui étaient au chômage depuis plus de quatre ans, une prouesse ! Il crée des emplois supplémentaires, utiles aux territoires, sans accroître la dépense publique puisqu’il « active les dépenses passives » du chômage. Même Emmanuel Macron lui a manifesté son soutien !

Pourtant, Muriel Pénicaud retarde l’extension du dispositif à 200 autres territoires qui l’attendent impatiemment. A l’heure du débat budgétaire, la ministre du Travail a des arbitrages à faire… Elle a signé, voilà six semaines, un « Pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique », chez Ateliers Sans Frontières, à Bonneuil-sur-Marne. Son objectif : passer de 140.000 personnes accueillies aujourd’hui en parcours d’insertion, à 240.000 personnes en 2022. Soit 100.000 personnes de plus, en quatre ans. Le projet de loi de Finance pour 2020 prévoit donc d’augmenter le budget de l’IAE à 1 milliard d’euros en 2020, puis à 1,3 milliard d’euros en 2022. L’insertion, c’est bien. Mais l’expérimentation aussi. Lequel des deux dispositifs sera le plus pérenne ? Nul ne sait. Muriel Pénicaud, elle, semble avoir décidé de jouer un dispositif contre l’autre. Peut-elle vraiment se le permettre ?

Certes, à 8,5%, le taux de chômage en France est au plus bas depuis dix ans. Pour autant, cela signifie-t-il que l’emploi se porte bien ? Pas sûr. Dans le secteur de l’économie sociale et solidaire notamment, si souvent salué pour sa capacité de résilience face aux crises, ce n’est pas le cas. Pour la première fois depuis huit ans, l’emploi associatif a reculé l’an dernier, alors même que la croissance se porte bien, révélait hier le réseau Recherche et Solidarités, dans sa dernière étude publiée en exclusivité par Les Echos. Ainsi, nos 160.000 associations employeurs ont vu leurs effectifs se réduire de 1 %, repassant sous la barre des 1.850.000 employés. « Il s’agit de la première année de baisse depuis 2011, année où le secteur avait subi avec retard le contrecoup de la crise de 2008 », analyse notre confrère.

Inquiétant, car cette diminution de l’emploi touche surtout de petites associations. Faut-il rappeler les effets de la baisse drastique du nombre de contrats aidés, financés par l’Etat ? Les associations les plus fragiles ont fermé leurs portes, ou réduit leurs activités. En un an, le nombre d’associations employeurs a diminué de 2,7 %. Voilà qui confirme ce que la chercheuse Viviane Tchernonog déclarait à Mediatico voilà six mois, elle qui a radiographié comme personne, en 2007, 2012 et 2018, le « Paysage associatif français » : entre les grandes associations employeurs et les petites associations de bénévoles, elle craignait de voir bientôt disparaître les associations de taille intermédiaire.

« La suppression drastique des emplois aidés reste une plaie ouverte dans les associations et sur les territoires », rappelait début octobre l’Union des employeurs de l’économie sociale. L’UDES, qui représente 25 syndicats d’employeurs et 750.000 salariés de l’économie sociale, constate, lui aussi, « une stagnation de l’emploi dans le secteur sanitaire et social, après dix ans d’augmentation ». Et regrette que, sur les 200.000 postes en « Parcours Emploi Compétences » budgétés l’an dernier, en remplacement des anciens contrats aidés, 100.000 postes n’aient pas été consommés. L’UDES, mais aussi ESS France, y voient un gisement de 75 millions d’euros disponibles, à réaffecter à des « emplois d’utilité citoyenne » que l’Etat pourrait financer sur trois ans. L’idée sera défendue dans les jours qui viennent, durant le débat budgétaire. Tout comme celle des emplois d’insertion. Et celle des Territoires zéro chômeurs.

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