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Dès le début de l’entretien, le ton est à la bienveillance : “Une Petite Cantine, ça ressemble à une grande cuisine ouverte au pied d’un immeuble, des chaises un peu dépareillées, beaucoup de sourires, chacun est appelé par son prénom, on y vient pour manger ou pour cuisiner… Surtout, un maître de maison s’assure que tout le monde s’y sent bien, comme à la maison“. Diane Dupré La Tour, co-fondatrice des Petites Cantines, et “Ashoka Fellow” depuis cette année : elle a été identifiée par le réseau européen d’entrepreneurs sociaux Ashoka comme une entrepreneuse à fort impact social, capable de répliquer son modèle et de changer le quotidien de milliers de personnes.

Journaliste économique reconvertie au service du bonheur d’autrui, Diane a fondé les Petites Cantines en 2015. Première ouverture en septembre 2016 à Lyon. Puis, très vite, l’ambition de répliquer le modèle : Lille, Strasbourg, Metz, Annecy, St-Etienne, Paris… “Tout près de chez vous”, assure-t-elle. Evidemment ! Mais le chemin est long : “La France compte 440 villes de plus de 20.000 habitants, où la population est susceptible de souffrir de solitude : pas seulement parce qu’elle est en situation d’isolement, on peut tout à fait se sentir seul au milieu des autres“, affirme-t-elle. En une phrase, le diagnostic est posé. Tout est dit, ou presque.

“Si on veut être heureux, c’est maintenant et tous ensemble, pas tout seul”

Contre la solitude, une recette : cuisiner ensemble, faire ensemble, enfiler le même tablier ! Briser la glace, pour se sentir reliés les uns aux autres. “C’est cela qui insuffle la confiance entre les habitants, c’est le ciment de notre lien social et ce lien social agit comme un muscle : il a besoin d’être stimulé“, lance Diane Dupré de La Tour. Ainsi, les Petites Cantines portent-elles un enjeu politique, au sens noble du terme. Avec un outil pour faire levier, le repas. “Le repas est en effet à la frontière entre l’intime et l’universel, c’est un besoin primaire de manger bien, tout comme il est indispensable de se sentir reliés aux autres“.

Mais d’où est venu le déclic ? Diane nous parle de trois rencontres décisives. Mais aussi d’un deuil qui a déclenché autour d’elle un raz-de-marrée de solidarité. Et qui fait germer une question, comme une évidence : “Pourquoi attendre un accident pour vivre des choses aussi belles et aussi fortes dans un quartier ? On n’a qu’une vie. Si on veut être heureux, c’est maintenant et tous ensemble, pas tout seul“, assure-t-elle durant cette interview recueillie sur le salon Change Now.

En quatre ans, 20.000 adhérents ont rejoint l’association Les Petites Cantines. Avec ce sentiment d’appartenir à une communauté et cette certitude de pouvoir compter sur les autres. Mais aussi un travail quotidien sur la durabilité des produits alimentaires, qui confine à l’éducation populaire : “Certains produits bruts, lorsqu’ils sont bien cultivés et bien cuisinés, coûtent peu cher et sont le premier médicament pour rester en bonne santé : ils sont beaux, bons, savoureux et équilibrés. La créativité que l’on apporte à nos assiettes permet aux habitants d’expérimenter un plaisir qu’ils peuvent reproduire chez eux, avec des recettes à moins de 2€“.

Derrière les Petites Cantine, c’est donc un projet de société qui transparaît : des valeurs à partager, un regard sur la société, une vision de l’avenir. “Ce qui se joue dans la rencontre, c’est le passage d’une société de la performance, qui produit de l’exclusion et de la violence, à une société de la confiance“. Et cette aventure collective commence bien avant l’ouverture d’une nouvelle Petite Cantine. “Ouvrir une Petite Cantine demande beaucoup d’énergie et un peu d’argent : environ 100.000 euros. Des entreprise dans les quartiers, des fondations sur les territoires, des collectivités qui ont envie de s’investir, il y en a plein. Ce qu’il faut, c’est surtout réveiller l’envie d’agir des habitants. Ouvrir une Petite Cantine, ça prend une année. Le jour où elle ouvre, elle a déjà vécu pendant un an. C’est une magnifique aventure humaine“.

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