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Malgré les appels incantatoires au décloisonnement, les ONG fonctionnent en silo. ONG humanitaire d’un côté, de développement de l’autre. Et l’entrepreneuriat social reste perçu comme un “business” avant tout. Les ONG, pourtant, se tournent de plus en plus vers le social business. Une petite révolution.

 

Par Elodie VIALLE,
Journaliste et chroniqueuse
(Voir son compte Twitter)

Pour sa première édition en France, le Google Impact Challenge a récompensé jeudi 8 octobre des projets associatifs audacieux et a mis à l’honneur… l’entrepreneuriat social. En témoigne le projet 1001 Fontaines, qui a reçu un demi-million d’euros pour poursuivre son développement.

 

Cette association forme des villageois au Cambodge pour qu’ils deviennent entrepreneurs : ils purifient l’eau et la vendent aux populations locales à un prix accessible. Un modèle économique stable, qui permet de rendre le projet pérenne.

 

Raréfaction des subventions

De plus en plus d’associations se tournent vers l’entrepreneuriat social depuis une dizaine d’années. D’abord parce que la raréfaction des ressources les oblige à réfléchir à l’autonomisation de leur action. Mais aussi parce qu’il est nécessaire de rendre accessibles les produits de base au plus grand nombre, que ce soit de l’eau, des lunettes ou des foyers de cuisson améliorés.

 

“L’avantage est évident : démultiplier nos actions, nos programmes, nos projets, analyse Franck Renaudin, fondateur et directeur de l’ONG Entrepreneurs du Monde. On touche plus de gens, et on laisse en place des structures autofinancées par les populations”.

 

A travers la création du groupe de microfinance Oxus, l’ONG Acted a permis de prêter 300 millions de dollars de microcrédit en 10 ans à 250.000 clients. “Notre objectif était d’être moins dépendants des subventions”, raconte Michaël Knaute, à la tête d’Oxus.

 

“Nos projets sont appréciés des populations car il n’y a pas de dimension charitable, nous formons des entrepreneurs qui bossent, commente François Jaquenoud, cofondateur et directeur exécutif de 1001 Fontaines.”

 

Une révolution culturelle pour les associations

Mais dans le pays des French Doctors, l’esprit d’entreprise passe encore mal. “Dans social business, il y a surtout business, tacle un acteur de l’aide au développement. Ces projets se drapent parfois d’une culture associative avec une gouvernance d’entreprise. Nous avons besoin de recul pour analyser leurs bienfaits et leurs méfaits.”

 

Ne le nions pas : pour les associations, le passage à l’entrepreneuriat social ne se fera pas sans douleur. Plus question de monter un dossier destiné à séduire un bailleur de fonds. Là, elles doivent élaborer un business plan et prendre un risque entrepreneurial.

 

“Quand on investit dans une entreprise à l’objectif économique limité, il y a une probabilité que l’entreprise échoue”, reconnaît Olivier Bruyeron, directeur général du Gret. Il y a une dizaine d’années, l’ONG lance un projet contre la malnutrition infantile à Madagascar, Nutri’zaza. Le statut d’entreprise paraît alors le plus adéquat. Aujourd’hui, la société gère un réseau de 39 restaurants pour bébés. Mais elle est encore en quête d’équilibre financier.

 

Passer la main aux populations locales

Pas question pour autant d’opposer entreprises sociales et ONG. “Les ONG restent un intermédiaire de confiance entre nous et les populations”, juge ainsi François Jaquenoud chez 1001 Fontaines. Les bailleurs de fonds traditionnels aussi évoluent sur la question : l’Agence Française de Développement s’est ouverte depuis peu au social business.

 

Les deux mondes doivent, c’est évident, se parler davantage. Et les associations ne pas avoir peur de la prise de risque entrepreneuriale. L’enjeu est bien d’assurer le financement de la solidarité internationale et la pérennité des actions, mais aussi de préparer les ONG à sortir des pays dans lesquels elles se trouvent en passant définitivement la main aux populations locales.

 

Elodie VIALLE

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