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Bonne année 2023 ? Une nouvelle fois, la démocratie est attaquée en ce début janvier. L’un des acquis les plus précieux de l’humanité sur la planète vacille et nous en mesurons la grande fragilité. Comme en janvier 2021, quand les Trumpistes ont assailli le Capitole, à Washington. Comme en février 2022, lorsque l’armée russe a envahi la république parlementaire d’Ukraine. Cette fois, c’est au Brésil que « les principales institutions démocratiques du pays ont été prises d’assaut, envahies et vandalisées par des foules de manifestants d’extrême droite », raconte Le Monde. Et cela, dix jours après la prise de fonctions du nouveau président Lula.

La démocratie est attaquée, mais elle tient bon. Au Brésil, la police a délogé et arrêté nombre de ces manifestants. L’armée, elle, est restée dans les casernes. A l’autre bout du monde, d’autres manifestants sont arrêtés, mais ceux-là sont exécutés : les Iraniennes et les Iraniens défient le pouvoir religieux, totalitaire, et réclament au risque de leur vie la liberté de se vêtir, d’aller, de penser, de dire, d’exister tout simplement. Tant de choses si naturelles à nos yeux que nous en avons oublié le prix. Et la valeur.

Mais chez nous aussi, la démocratie est attaquée. Par les fausses informations sur les réseaux sociaux et dans les médias populistes, qui trompent le jugement des citoyens. Par le nouveau marketing bien polissé des extrêmes en politique, qui attisent la haine comme toujours en opposant les communautés. Et par les détenteurs du pouvoir de l’argent, qui privilégient trop souvent leurs intérêts particuliers contre l’intérêt général. Oui, chez nous aussi, la démocratie a besoin d’être défendue.

L’économie sociale et solidaire, fer de lance de la démocratie

Où en est-on, en France, du débat citoyen ? Face à la crise des Gilets Jaunes, Emmanuel Macron avait lancé en janvier 2019 – encore un début d’année – le Grand Débat National. Le peuple avait pu exprimer ses doléances lors de consultations publiques, ce qui n’est jamais inutile. Quatre ans plus tard, le climat social n’est pas apaisé, loin de là. Et qui nous dit qu’à la fin du débat sur les retraites, dont le projet de réforme est annoncé aujourd’hui par Elisabeth Borne, les Gilets Jaunes n’envahiront par l’Assemblée nationale ?

Pour autant, reconnaissons au Président de la République le courage d’avoir fait émerger voilà quatre ans, au plus haut niveau de l’État, une démocratie (un peu) plus participative. Une innovation que d’aucuns expérimentent depuis plusieurs dizaines d’années dans la sphère associative et dans l’économie sociale et solidaire, et qui appelaient de longue date de leurs vœux une expérimentation plus large, à grande échelle.

Rappelons-le, l’économie sociale et solidaire est un des fers de lance de la démocratie. Elle défend avant tout la gouvernance partagée au service des projets collectifs. Dans l’univers associatif, par exemple, les bénévoles s’engagent collectivement pour un projet utile à leur territoire. L’économie sociale et solidaire prône aussi une lucrativité limitée, pour rester concentrée sur son utilité sociale. Dans le monde mutualiste, la protection collective l’emporte ainsi sur la rémunération du court terme. Et dans les coopératives, chaque sociétaire dispose d’une même voix, quelle que soit sa part au capital.

Alors, en ce début 2023, rendons hommage à quelques héros de cette démocratie sociale et solidaire du quotidien. Ils sont nombreux à innover chaque jour pour tenter de changer les vies, bouleverser les perspectives trop établies et nous montrer que d’autres chemins sont possibles. Ils et elles agissent souvent dans l’ombre, avec humilité. Parfois aussi sous le feu des projecteurs, qui viennent d’un coup les éclairer. Et quelques fois, certains s’éteignent, comme en cette fin décembre 2022, au terme d’une vie bien remplie.

Merci Maria Nowak, héroïne de la démocratie économique, pionnière du microcrédit en France. Elle a fondé voilà 35 ans l’Agence pour le droit à l’initiative économique (Adie), qui permet aujourd’hui chaque année à plus de 25.000 personnes exclues du crédit bancaire de créer leur entreprise, donc leur emploi. Je l’avais rencontrée voilà dix ans, un soir d’élection présidentielle. Elle est décédée peu avant Noël, à l’âge de 87 ans. Son parcours était inspiré de celui de son ami Muhammad Yunus, qui lui a rendu hommage (lire ici). Et le poignant témoignage de Patrick Sapy, directeur général de FAIR, vous en apprendra plus sur elle (lire ici).

Merci Vivienne Westwood, héroïne de la démocratie consumériste. Créatrice de mode britannique, « grande figure du mouvement punk, écologiste et féministe engagée », écrit L’Obs, elle nous a quittés le 29 décembre à l’âge de 81 ans. Je l’avais interviewée en 2015 à Paris, lors de la COP 21 sur le climat, lorsqu’elle était venue nous rencontrer à « Place To B », une auberge de jeunesse transformée en quartier général de la presse alternative venue couvrir la COP 21. Pour la première fois, j’entendais une créatrice de mode enjoindre le grand public de consommer moins de vêtements, pour le bien de la planète. C’était il y a huit ans.

Pour une République sociale et solidaire

Merci aussi – et longue vie, encore – à Claude Alphandéry, l’un des pères fondateurs de l’économie sociale et solidaire en France, qui vient de fêter ses 100 ans ! Le Labo de l’ESS, dont il est fondateur et président d’honneur, accueille sa tribune intitulée « 100 ans de résistance au service de la coopération ». Il y raconte la résistance française qu’il a connue durant la seconde guerre mondiale et, en effet miroir, sa résistance de banquier engagé en réponse au modèle dominant dès la fin des années 70. Vous retrouverez aussi son long portrait engagé sur Mediatico (ici en vidéo) pour vous inspirer… et apprendre comment il a convaincu Michel Rocard de créer le RMI (ancêtre du RSA) dans une cabine de téléski !

De la résistance à la démocratie, il n’y avait qu’un pas, a priori infranchissable, mais qu’ils ont su franchir. L’économie sociale et solidaire aussi est en résistance. Contre les coups de boutoir portés à la solidarité, à la dignité, à la justice, à la démocratie, à l’équilibre de notre société et à notre avenir. Fin 2021, avant la dernière élection présidentielle, ESS France adoptait en Congrès de l’ESS une déclaration d’engagement intitulée : « Pour une République sociale et solidaire : nos raisons d’agir ». L’élection présidentielle est passée. Ces raisons restent plus que jamais valables.

Alors pour 2023, attachons-nous à défendre la démocratie au quotidien et l’ensemble des valeurs qu’elle véhicule. Car notre démocratie reste fragile. Et ce combat est loin d’être gagné.


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