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Aide aux Ukrainiens, collectes alimentaires, enseignement du français… Le monde va mal, mais la solidarité des Français est au rendez-vous. Plus de 12 millions d’entre eux sont bénévoles dans des associations, rappelle l’organisme Recherche & Solidarités, qui vient de lancer son enquête nationale 2022 pour mettre à jour ses données sur le monde associatif (vous pouvez participez ici). Dans le même temps, plus de 13.370 missions bénévoles sont recensées, aujourd’hui même, sur la nouvelle plateforme d’engagement de Bouygues Télécom lancée en novembre dernier : « Envie de devenir bénévole ? Avec notre plateforme de bénévolat, chacun peut entrer en relation avec une association et s’engager pour une cause qui lui tient à cœur », clame celle qui se présente, déjà, comme « la plus grande plateforme de bénévolat en France ». Génial ! Mais bigre… pourquoi Bouygues Télécom ?

Que vient faire en effet une entreprise privée dans la promotion du bénévolat, de la générosité et du don de soi ? Pourquoi l’entreprise Bouygues Télécom s’offre-t-elle actuellement un spot publicitaire en prime time sur la chaîne TF1 – également filiale du groupe Bouygues – pour faire découvrir sa plateforme aux Français ? Son engagement est-il dénué d’intérêt ? Certes, la raison d’être de Bouygues Télécom est « d’apporter au plus grand nombre le progrès humain dans la vie quotidienne ». Nos smartphones y concourent peut-être. Certes encore, l’opérateur de téléphonie mobile veut s’engager avec les associations « parce qu’elles tissent les liens dont nous avons tous besoin ». Une évidence limpide. Sans oublier la difficulté de la majorité des associations à retrouver leurs bénévoles les plus actifs depuis la pandémie. Elles n’ont rien contre un sérieux coup de main…

Une Bbox pour les associations

Mais l’altruisme de Bouygues Télécom est biaisé, pour au moins deux raisons. La première crève les yeux tout en haut de cette page de Bouygues Télécom dédiée aux associations : « Nous simplifions la vie des associations avec Bbox Asso, la première offre pensée pour elles ». Ainsi donc, la démarche de Bouygues Télécom sur l’engagement bénévole masque en réalité une campagne marketing. Son objectif ? Vendre aux associations un abonnement internet peu cher, sans engagement, fibre optique et clé 4G incluse, avec un logiciel de gestion associative pour 10€ par mois qui entre en concurrence avec les offres de Helloasso et de Assoconnect. La cible de l’opérateur télécoms ? Les 1,5 million d’associations actives en France, qui représentent un budget cumulé de 113 milliards d’euros. Bien sûr, Bouygues Télécom a le droit de s’adresser à une clientèle associative. Mais la ficelle commerciale est un peu grosse et manque de transparence.

La seconde raison qui biaise sa démarche touche à l’écosystème du bénévolat en France. Si la plateforme de Bouygues Télécom recense 13.370 missions bénévoles en à peine trois mois d’existence, c’est parce qu’elle s’est entourée d’excellents partenaires : OneHeart, TousBénévoles, Benenova, ainsi que la plateforme du gouvernement JeVeuxAider qui comptabilise à elle seule 11.200 missions disponibles. Au final, Bouygues Télécom n’a pas inventé grand-chose. Du coup, pourquoi n’a-t-il pas intégré les missions proposées par d’autres professionnels du bénévolat, comme France Bénévolat, Benevolt, La Fourmilière, Latitudes, Jeune et Bénévole, Bénévoles Retraités SNCF, Paris Je m’Engage, ou bien d’autres encore ? A l’heure qu’il est, plusieurs d’entre eux voient l’initiative de Bouygues Télécom non pas comme une démarche fédératrice autour du bénévolat, mais comme un manque de reconnaissance, voire comme une incursion illégitime dans leur cœur de métier. Au risque peut-être de menacer l’existence-même de ces acteurs historiques.

L’engagement des Français mérite mieux qu’une OPA sur le bénévolat. Il mérite d’être protégé contre toute éventuelle dérive du secteur privé vers de l’ « engage-washing ». Il mérite d’être soutenu par les pouvoirs publics dans le cadre d’une politique publique de long terme de la vie associative, comme le demande Frédérique Pfrunder, déléguée générale du Mouvement Associatif, dans notre dernière émission Ess On Air (à retrouver ici).

Oui, l’engagement bénévole mérite une campagne publicitaire dans les médias. Mais une campagne de service public !


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