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La transition est à nos portes. A Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes, Rennes, Strasbourg, Annecy, Besançon, Grenoble, Tours, Lille, Villeurbanne, Romainville… la poussée écologiste et citoyenne au 2e tour des élections municipales a conforté dans les urnes, en dépit d’une abstention record, l’importance grandissante aux yeux des Français des valeurs que défendent depuis toujours les acteurs de l’économie sociale et solidaire. Assurément, la politique est passionnante quand elle ouvre le champ des possibles. Mais, ne m’en voulez pas, c’est d’une autre élection, dont je veux vous parler aujourd’hui : celle d’ESS France, l’instance en pleine transformation qui représente au niveau politique tous les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS).

Loin des feux des projecteurs, mais tout aussi impactant, le renouvellement d’ESS France a en effet été acté lors d’une assemblée générale en ligne jeudi dernier, qui ouvre la voie à « un projet politique ambitieux pour porter l’après-crise », déclare son président, Jérôme Saddier. Aboutissement d’un travail de longue haleine. Depuis fin 2018, il a oeuvré au rapprochement et à la représentation la plus équilibrée possible au sein d’ESS France de toutes les familles de l’économie sociale et solidaire : coopératives, associations, entrepreneurs sociaux, secteur mutualiste, fédérations, têtes de réseau, think tank, acteurs de terrain, représentants d’employeurs, partenaires… Ceux qui savent l’éparpillement du secteur et ses anciennes querelles de chapelle y voient un tour de force : « Voilà 30 ans que l’on attendait ça » !

ESS France devient donc une institution complexe, comme seule l’ESS sait les gérer : plus de 50 administrateurs, quatre collèges diversement composés, au poids pondéré, savamment équilibrés, où chacun retrouve ses petits, sa représentativité et son intérêt. Le premier intérêt étant de parler – enfin – d’une seule voix, évidemment plus forte, pour porter les revendications au niveau ministériel, voire jusqu’à Matignon. A l’UDES, l’union des employeurs du secteur social, Hugues Vidor espère par exemple trouver des alliés pour appuyer son plaidoyer visant à « créer 100.000 emplois de qualité dans les territoires ». En échange, il compte identifier « des revendications communes à porter ensemble » avec les autres membres d’ESS France. De même les 18 chambres régionales de l’ESS (CRESS) ont adhéré individuellement à ESS France, constituant à elles seules un collège entier, afin de porter plus haut la voix des territoires. ESS France, c’est clair, est en ordre de marche !

Mais il a fallu lui retirer d’abord une belle épine du pied : la douloureuse du CNCRESS. Le « Conseil National des CRESS », qui représente les actions de terrain en régions, devait initialement fusionner avec ESS France, qui incarne le plaidoyer politique national. L’objectif de cette fusion stratégique était pleinement partagé. Seul semblait devoir être réglé l’alignement des grilles de salaires. Mais, fin janvier, lorsqu’arrive l’heure d’examiner les comptes des deux structures, surprise : ceux du CNCRESS sont déficitaires. Et pas qu’un peu : de 350.000 euros à fin septembre 2019, selon nos informations, soit sur neuf mois d’exercice.

Une masse salariale plus lourde que prévu, des subventions attendues mais ni versées ni réclamées, un contrôle insuffisant du trésorier, du bureau de l’association, de l’expert-comptable, des subventionneurs publics… Les fautes sont amplement partagées. Alerté, le Crédit Coopératif demande le remboursement immédiat d’un prêt de 200.000 euros. Impossible, évidemment. Des procédures de contrôle sont rétablies en urgence, un appel à versement anticipé des cotisations des CRESS est déclenché pour payer les factures les plus urgentes. Mais cela ne suffit pas. Il aurait fallu 2 à 3 ans pour rétablir l’équilibre. La banque bloque les comptes du CNCRESS. Qui s’en va droit vers le dépôt de bilan.

A ce moment-là, tout aurait pu capoter. Mais Jérôme Saddier s’est accroché. Le projet stratégique était supérieur au reste. ESS France se positionne aujourd’hui en repreneur des 6 salariés encore en poste au CNCRESS, mais aussi de l’ensemble des dettes et, bien sûr, de ses activités : l’Observatoire de l’ESS, les Dispositifs Locaux d’Accompagnement (DLA), ou l’organisation du Mois de l’ESS qui se tient chaque année en novembre. En échange, ESS France héritera des subventions qui financent ces actions à la demande des pouvoirs publics.

D’ailleurs, que savons-nous précisément du budget public affecté à l’ESS ? Le CNCRESS percevait jusque-là 460.000 euros par an pour embaucher du personnel et remplir ses missions. Pour sa part ESS France avait vu sa subvention baisser l’an dernier de 200.000 à 120.000 euros, sur décision de Christophe Itier, Haut-Commissaire à l’Economie sociale et solidaire et à l’Innovation sociale, qui ne souhaitait pas financer deux structures représentatives du secteur. Au final, le nouvel ESS France devrait donc se voir doté d’un budget de 580.000 euros, en tant que structure faîtière employant une dizaine de personnes. Quant aux 18 CRESS régionales, elles perçoivent chacune 80.000 à 100.000 euros sous forme de subventions versées par les préfectures de régions, soit un budget cumulé de 1,7 million d’euros. Une goutte d’eau, quand on sait que les Chambres de commerce et d’industrie (CCI), dédiées à l’économie traditionnelle, sont dotées d’un budget annuel de 3,3 milliards d’euros !

La naissance du nouvel ESS France n’en sonne pas moins comme une victoire à plusieurs titres. Pour Jérôme Saddier, qui a mené à terme cette mission contre vents et marées. Pour Christophe Itier, qui avait souhaité fin 2018 la fusion des instances représentatives de l’ESS. Mais aussi pour l’ensemble des familles de l’économie sociale et solidaire. Les réseaux partenaires y sont bien représentés, du Mouvement Associatif à CoopFR, en passant par le Mouves ou la Mutualité Française notamment. Quant aux régions, elles entrent en force dans la nouvelle gouvernance d’ESS France, s’appuyant sur une déléguée générale issue de la CRESS Bourgogne, un vice-président issu de la CRESS Ile-de-France, un trésorier de la CRESS PACA et un Comité des Régions animé par la CRESS Aquitaine. 

Reste à passer à la phase opérationnelle : établir le plan d’action 2020-2021, installer plusieurs groupes de travail et, plus que tout, faire entendre la voix de l’ESS au plus haut niveau pour basculer vers un autre projet de société que celui proposé par l’économie classique. Dans la droite ligne des attentes des Français, comme viennent de le rappeler à la fois le Grand débat national, la Convention citoyenne pour le Climat… et le 2e tour des élections municipales.

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