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Banderoles, mobilisation massive, transports paralysés… Les retraites ? Pas du tout ! C’est de l’Autre manifestation dont je veux vous parler. Celle dont nos grands médias n’ont pas pipé mot ce week-end. Celle qui a rassemblé 500.000 manifestants vendredi. Oui, vous avez bien lu, un demi-million de personnes ont défilé vendredi pour le climat, dans les rues de Madrid, qui accueille actuellement la COP25. Celle-ci, pourtant, ne devrait déboucher… sur rien. L’Inde, le Brésil, le Japon, l’Arabie saoudite, l’Australie ne négocient plus. Nombre de grands Etats semblent avoir renoncé. La COP 25 n’est pas terminée que, déjà, les négociateurs se projettent vers la COP 26 de Glasgow, fin 2020 : ils devront en effet y annoncer une réévaluation de leurs engagements climatiques, pris à Paris en 2015. Mais qui y croit encore ?

La France, elle, fait profil bas à Madrid. Mais elle cocoricotte à Paris avec sa loi pour l’économie circulaire ! Oui, revoici le projet de loi, examiné depuis hier en seconde lecture à l’Assemblée nationale. Avec son lot de 2.413 amendements rédigés par les lobbies, dont la plupart visent surtout… à ne rien changer. Réinstaurer la consigne pour lutter contre les déchets plastique ? Les collectivités locales refusent de perdre une source de financement, le projet est donc reporté au plus tôt à 2023. Vendre des médicaments à l’unité ? Nombre de pharmaciens s’y opposent. Lutter contre l’obsolescence programmée du matériel électronique ? La création d’un indice de réparabilité est loin de faire l’unanimité chez les constructeurs et les distributeurs…

Mais à quelques jours de Noël, la résistance la plus éhontée est celle de la filière du jouet. Non, les fabricants de jouets neufs ne veulent pas voir émerger la filière du réemploi de jouets. Leurs arguments ? Pas de jouets de seconde main, c’est tout. Vive le jouet neuf. Et en plastique, s’il vous plaît ! Une filière parallèle de jouets d’occasion, forcément sales et cassés, prétendument dangereux s’ils sont remis sur le marché, a fortiori par des acteurs associatifs qui emploient du personnel en insertion, n’est assurément pas souhaitable. Industriels et distributeurs de jouets neufs demandent donc aux députés… de gagner du temps. Sérieux ???

C’était donc ça ! Gagner un an ou deux, sur un marché de 3,5 milliards d’euros par an, ça compte évidemment. As usual. Et quand on sait que la filière du réemploi de jouet pèse pour sa part au mieux 300.000 euros par an, soit un dix-millième du marché global, c’est peu dire que le rapport de force est faussé. Inutile d’invoquer une seule seconde le début d’une concurrence embryonnaire, l’argument ne tient pas. Déterminée, l’association Rejoué vient donc de partir en croisade. Tel David contre Goliath. Et rappelez-vous qui gagna.

Mais le temps est compté. La bataille des amendements doit cesser le 20 décembre, pour déboucher sur un vote des députés avant Noël. Face au lobbying du jouet neuf, l’Assemblée fera-t-elle preuve d’assez de courage politique pour répondre à l’urgence climatique et sociale, qui justifie jour après jour le combat de toutes les filières françaises du réemploi ? Quant au gouvernement, parviendra-t-il à sauver son projet de loi pour l’économie circulaire, jugé avant-gardiste par tous nos partenaires européens, à la veille d’échéances électorales chahutées où il aimerait pouvoir avancer quelques éléments de bilan positif ? Gouverner est un art difficile. Mais reculer face à l’urgence climatique et sociale n’est pas une option. Ni à la COP 25, ni à l’Assemblée nationale. Ce combat doit être mené sans sourciller.

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