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Un an. Il aura fallu un an pour faire enfin émerger un « capitalisme du bien commun » dans la loi française. Le projet de Loi Pacte, d’abord vidé de sa substance par les sénateurs, a en effet été rétabli et adopté en deuxième lecture, samedi matin à l’aube… par à peine 27 députés (15 voix contre, 3 abstentions). Un an, c’est plutôt long pour un sujet si bien balisé dès mars 2018 par le rapport Notat-Sénard, consacré à l’entreprise « objet d’intérêt collectif », dont il reste si peu de choses. Enfin bon, c’est quasi-fait. Certes, il reste à prendre une fois encore l’avis du Sénat, mi-avril. Mais avec le jeu de la navette parlementaire, l’Assemblée nationale aura le dernier mot.

Alors, finalement, que penser de la Loi Pacte ? Privatisations, seuils fiscaux, épargne retraite… une loi fourre-tout, simplement taillée sur mesure par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire ? Ou un « Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises » (PACTE) réellement capable de transformer le capitalisme à la française ? En la matière, ce sont surtout les articles 21, 29, 61 et 62 qui nous intéressent. Ils préparent des contrats d’assurance-vie plus responsables, assouplissent le statut d’entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS), reconnaissent les « entreprises à mission », questionnent la raison d’être de l’entreprise classique et la mettent face à ses responsabilités sociales et environnementales. Enfin !

Pourtant, pas encore de cri de victoire : la méfiance est de mise. Contre toute attente, le Medef vient lui aussi de se doter d’une raison d’être et appelle à une croissance responsable. On croit rêver ! Déjà, l’association Ethique & Investissement craint le « fairwashing » des grandes entreprises : elles pourraient créer des filiales, vitrines de leurs actions sociales, permettant de décrocher des financements publics tout en poursuivant leur « business as usual ». Dans le milieu de l’ESS et de la finance solidaire, Hugues Sibille et Frédéric Tiberghien estimaient déjà l’an dernier que le texte était conçu pour le secteur privé lucratif. Quant aux Économistes Atterrés, ils affirment que cette loi « procède d’une vision du monde » en affirmant le rôle prépondérant accordé à l’entreprise.

A cette heure, une question demeure : responsabilité et rentabilité sont-elles compatibles ? C’est évidemment le pari de la Loi Pacte. Chacun peut bien sûr en douter, mais il semble que la société ait déjà tranché : la raison d’être de l’entreprise ne peut plus se limiter au versement d’un dividende à ses actionnaires. La loi s’apprête à en prendre acte. L’entreprise était déjà responsable pénalement. Au XXIe siècle, elle est aussi souvent engagée civiquement. Le débat sur les valeurs de l’entreprise, sur sa raison d’être et sur la place de ses parties prenantes devait être mené. Le mouvement est enclenché.

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