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140 milliards d’euros !? Ce n’est pas le besoin de financement de nos retraites : celui-ci s’établira à 10 milliards en 2027. Non, c’est juste le montant, calculé par l’AFP, des bénéfices nets cumulés des 33 premières entreprises du CAC 40 qui ont déjà publié leurs résultats 2022, rapporte La Tribune. Ces deux sujets n’ont rien à voir, me direz-vous. Évidemment.
 
Sauf quand on se rappelle que 2022 est une année de guerre, de crise, d’inflation… et qu’Emmanuel Macron refuse de taxer les super-profits des entreprises réalisés en une seule année, alors que l’Union européenne le fait sans état d’âme dans le secteur énergétique depuis le 1er janvier, rappelle Europe 1. Assurément, nous avons en France des champions tricolores. Or, certains trainent étonnamment leurs boulets et leurs casseroles, avec le sourire.
 
Commençons par ces champions de l’amitié franco-russe, après un an de guerre en Ukraine et de crimes contre l’humanité. Selon deux chercheurs suisses cités par BFM TV, pas moins de 23 entreprises françaises n’ont rien changé en un an à leurs activités en Russie : Auchan, Bonduelle ou Lactalis, au motif qu’elles nourrissent les populations. Mais aussi Leroy-Merlin, Etam, Lacoste, Cacharel, Bic, Clarins, Provalliance (Jean-Louis David), Mod’s Hair, Dessange… A partir de quand le capitalisme est-il honteux ? Name and shame, disent les anglo-saxons. Chez Mediatico, voilà qui est fait.
 
Poursuivons avec la santé éclatante de BNP Paribas. Ses 10 milliards d’euros de bénéfice net, à partager entre ses actionnaires. Mais aussi ses 921 suppressions d’emploi annoncées dans la foulée, souligne TF1. Sans oublier sa responsabilité très claire dans le financement de la déforestation en Amazonie, donc du réchauffement climatique, qu’il lui faudra désormais expliquer devant les tribunaux. BNP Paribas est en effet assignée en justice depuis jeudi dernier par Les Amis de la Terre France, Oxfam France et Notre affaire à tous, pour non-respect de la loi française sur le devoir de vigilance. Ce virage est important : il s’agit du premier contentieux climatique au monde contre un acteur bancaire. Ce n’est pas le dernier, et l’affaire monte en mayonnaise : 600 scientifiques appelaient hier les administrateurs de BNP Paribas à démissionner, rien de moins ! A lire ici et sur Novethic.
 
À tout seigneur tout honneur, terminons par TotalEnergie. Des résultats « hors-normes », assurent Les Echos ! Accrochez-vous : 20 milliards d’euros de bénéfice net, tout chauds dans la poche des actionnaires, un peu dans celle des salariés avec le versement des primes, et à peine 200 millions d’euros d’impôt reversés dans les caisses de l’État français… soit 1% de son bénéfice net ! Chez Mediatico, on paie 25% d’impôt sur les sociétés. Mais Total « ne gagne pas (assez) d’argent en France », déplore régulièrement le groupe. J’avoue, on est un peu triste. Pour autant, peu de chance que les Français compatissent. Même si le PDG s’engage à bloquer le prix de carburant à 1,99€ : le litre étant un niveau en-dessous, Total se ménage donc (encore) des marges d’augmentation. Quant au ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, il ne sait toujours pas « ce que sont les super-profits ». Incroyable, non ?
 
En attendant, les casseroles de TotalEnergie sont à la fois en Russie et en Ouganda. En Russie d’une part, parce que le PDG du groupe invoque – avec beaucoup de mauvaise foi – la nécessité du maintien de ses participations russes « pour le bien-être de l’Europe », rappelait Le Point en novembre. Sachant qu’une enquête du journal Le Monde montrait l’été dernier comment la coexploitation par TotalEnergie d’un gisement en Russie permettait de produire du kérosène ravitaillant des bombardiers russes…
 
En Ouganda d’autre part, parce que le tribunal judiciaire de Paris se penche aujourd’hui-même sur l’affaire qui oppose le pétrolier à six ONG, au nom de son devoir de vigilance, pour la construction du pipeline Eacop en Ouganda. Ce projet aboutira en effet à l’expropriation de 18.000 foyers, rappellent Les Echos, et nécessite le forage à partir de ce printemps de 400 nouveaux puits de pétrole, dont une partie dans des zones naturelles protégées. Patrick Pouyanné, le PDG de TotalEnergie, sourit encore. Mais à l’heure du réchauffement climatique, son sourire est chaque jour plus indécent que la veille.


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