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Ca y est, le dépôt des listes électorales est bouclé. Depuis hier midi, les grandes manœuvres sont terminées pour le premier tour des élections régionales des 20 et 27 juin prochains. Les alliances locales sont actées. En général, pour faire barrage au Rassemblement National. Mais pourquoi cette hostilité face au RN de Marine Le Pen, qui a recueilli 33,9% des voix au second tour de la présidentielle ? Parce qu’elle vient de se faire épingler pour détournement de fonds européens par l’office anticorruption ? Pas seulement. La campagne officielle des régionales démarrera le 31 mai, c’est là que nous entendrons les arguments du RN. En attendant, les acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) sont sur le qui-vive.
 
En région Provence-Alpes-Côte-d’Azur, le président de la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire, Denis Philippe, a apporté le 1er mai son soutien à la liste conduite par Renaud Muselier, le candidat LR. Une alliance qui en a surpris plus d’un, quasiment contre-nature dans les milieux de l’ESS en général plus prompts à partager les valeurs de l’écologie ou du progrès social défendues par la gauche. Oui, mais voilà six ans déjà, aucun candidat de gauche n’avait été élu à la région PACA. Alors quitte à sauver l’honneur, autant bloquer la montée du RN. « La vraie question pour les acteurs de l’ESS de ma région, c’est RN ou pas RN ces six prochaines années », commentait hier encore Denis Philippe sur Twitter.
 
Dans les Hauts-de-France, même dilemme. Cinq membres du gouvernement, dont le ministre de l’Intérieur et celui de la Justice, sont candidats sur les listes LREM pour empêcher une razzia frontiste au conseil régional. Pari risqué, qui fait d’un scrutin régional un test national. Du coup, l’échiquier politique local est en ébullition. Mais la CRESS Hauts-de-France assure qu’elle défendra les projets locaux d’économie sociale et solidaire quel que soit l’exécutif régional. Elle participera à notre prochain événement en ligne le 26/05.
 
En Ile-de-France, le jeu est plus ouvert. Alors, pourquoi n’avoir pas invité le représentant du Rassemblement National, Jordan Bardella, lors du grand oral des candidats en Ile-de-France organisé par Mediatico et la CRESS Ile-de-France ? Parce que les valeurs du Rassemblement National ne sont pas compatibles avec celles de l’économie sociale et solidaire, ont répondu en chœur les organisateurs. La semaine dernière, la CRESS du Centre-Val-de-Loire a elle aussi refusé d’inviter le RN lors d’un débat sur l’ESS avec les candidats. Pour les mêmes raisons.
 
Car le RN n’est pas un parti comme les autres. Hanté par l’islamisme et par l’immigration. Obnubilé par l’insécurité et les banlieues. Populiste à l’envi dans son livre noir du coronavirus. Pourfendeur du projet collectif européen, auquel il n’oppose comme seul horizon que le repli national. Dédiabolisation ou pas, le Rassemblement National est à mille lieues des valeurs de partage, de coopération, de solidarité, d’humanisme, de mixité culturelle ou d’utilité sociale sans conditions, que porte l’économie sociale et solidaire.
 
Mais attention ! Attention à la récupération. On aurait vite fait de glisser de « l’ancrage local », revendiqué par l’ESS, vers le « local d’abord » défendu par le RN. En Pays-de-la-Loire, par exemple, la tête de liste du RN annonce sans sourciller vouloir promouvoir l’ESS, relate Michel Abhervé sur son blog. Gonflé ! Ce candidat RN s’appelle Hervé Juvin. Il a compris qu’il pouvait prôner l’écologie, fût-elle une écologie « localiste ». Il soutient l’ESS, oui, à commencer par les « mutuelles municipales », parce que l’ESS est selon lui une économie « territorialisée ». On aurait vite fait aussi de se laisser prendre aux sirènes du revenu universel défendu par le RN. Mais uniquement pour les jeunes « Français », donc très loin du concept « universel » véritablement prôné à gauche. Définitivement, les valeurs du RN ne sont pas celles de l’ESS.

Pour autant, ne considérons pas que 33,9% des Français ont voté « pour » Marine Le Pen en 2017. Beaucoup de ses électeurs ont voté « contre » Emmanuel Macron, « contre » des politiques qui n’ont pas écouté leurs difficultés, « contre » l’échec d’un système qui n’a pas su montrer le chemin d’un avenir meilleur.
 
Certes, la société change. Elle se droitise, dit-on depuis vingt ans déjà. La crise du Covid a ravivé les inquiétudes, la méfiance de l’autre et le repli sur soi. Aujourd’hui, les préoccupations des Français sont hélas davantage la délinquance et l’immigration, que le logement, les transports, le système scolaire, la culture ou la santé. Mais « l’ennemi raciste à abattre, l’ennemi de la République, c’est Marine Le Pen », estimait vendredi Olivia Grégoire, la secrétaire d’État à l’économie sociale, solidaire et responsable, sur France Info.

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