FANETTE BARDIN, DORIAN DREUIL, CHLOÉ RIDEL, JULIEN ROIRANT Comment changer les règles du jeu démocratique ? Et comment les citoyens peuvent-ils contribuer à ce processus ? Alors que l’adoption via l’article 49-3 de la Constitution de la réforme des retraites a reposé la question de la confiance dans les institutions, des outils existent pour sortir de la crise politique : à travers des États généraux de la démocratie, les citoyens pourraient être réellement associés, par la consultation et la délibération, à la réforme des institutions1. Démocratie française, le jour d’après. Le débat autour du projet de réforme des retraites et l’utilisation de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution ont mis en exergue les limites de nos institutions à faire vivre les différentes légitimités démocratiques. À l’heure où la confiance des Français dans leurs institutions est à son plus faible niveau depuis le mouvement des « gilets jaunes »2, la crise politique prend le risque de se transformer en crise de régime. En soixante-cinq ans d’existence, la Constitution de la Ve République de 1958 a été modifiée à pas moins de vingt-quatre reprises. Lors de ses vœux en décembre 2022, le président de la République a annoncé vouloir à nouveau réformer les institutions par les moyens d’une « commission transpartisane ». Réalisé pour AgoraLab3, en partenariat avec Démocratie Ouverte et Mieux Voter les 25 et 26 janvier 2023 sur un panel représentatif de 1 007 personnes, un sondage au jugement majoritaire de l’institut OpinionWay révèle que les Français veulent être associés au chantier de la réforme des institutions. Cette note propose une méthode pour sortir de la crise politique en associant les citoyens à la réforme des institutions à travers des États généraux de la démocratie. Huit Français sur dix souhaitent pouvoir contribuer au changement des règles du jeu politique C’est un thème de consultation « très important » pour près d’un tiers des Français et qui transcende les clivages politiques. Au-delà de l’écrasante majorité qui se dégage en faveur de l’association des citoyens aux modifications à apporter à la Constitution, il est intéressant de noter l’écart entre les deux propositions extrêmes soumises aux répondants. Alors que 31% estiment que le sujet de la consultation est « très important », seuls 4% d’entre eux considèrent que l’implication des citoyens à la réforme des institutions ne présente pas d’intérêt. L’analyse détaillée par profils de répondants montre par ailleurs une sensibilité plus importante des 25-34 ans, des femmes et des catégories socioprofessionnelles supérieures à cet enjeu (respectivement 88%, 85% et 87% d’opinions favorables). À l’inverse, les personnes de plus de soixante-cinq ans y sont un peu moins sensibles (76% le trouvent néanmoins important). Quelle que soit leur proximité politique, la proportion de Français considérant le sujet comme « important ou très important » ne descend jamais au-dessous des deux tiers. Cette proportion culmine à 95% chez les sympathisants Europe Écologie-Les Verts (EE-LV). Les personnes ayant voté blanc ou nul ou s’étant abstenues en 2022 se prononcent comme l’ensemble des Français (le sujet est important pour 82% d’entre elles). Seules les personnes se réclamant de la « majorité présidentielle » ou des Républicains sont moins de huit sur dix à considérer le sujet comme important (respectivement 68% et 70%). En observant la proportion des personnes considérant le sujet comme « très important », on constate une surmobilisation autour du sujet chez les électeurs de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle de 2022 (respectivement 47% et 46% pour une moyenne à 31%). Il est à noter que le taux de répondants considérant le sujet comme « très important » est le plus bas chez les électeurs d’Emmanuel Macron (17% tout de même). Les outils plébiscités pour réformer les institutions Ce sondage réalisé au jugement majoritaire4 offre un regard inédit sur les préférences des citoyens quant à la méthode nécessaire pour les associer. Les Français préféreraient recourir au référendum d’initiative citoyenne (RIC)5 pour réformer les institutions. Avec 34% de mentions « excellent » et « très bien », le RIC constituant obtient la meilleure évaluation parmi les quatre processus potentiels de réforme des institutions (mention médiane : « bien »). C’est également la proposition qui recueille le moins d’évaluations négatives (7,4% de mentions « à rejeter ») de la part des Français dans leur ensemble. La proportion de mentions « excellent » et « très bien » est la plus élevée parmi les électeurs de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen (respectivement 46,3% et 41,3%). En termes de proximité partisane, même s’ils lui attribuent la mention « assez bien », les électeurs d’Emmanuel Macron sont les seuls à ne pas privilégier le RIC constituant pour modifier la constitution. La convention citoyenne6 (tirée au sort) et l’assemblée constituante7 (élue) sont au coude-à-coude dans les préférences des sondés. Les deux propositions de création d’une assemblée dédiée à la réécriture de la Constitution atteignent également la mention « bien » dans notre sondage au jugement majoritaire. Bien que la convention citoyenne tirée au sort soit un peu plus clivante (proportion légèrement plus importante de mentions très négatives ou très positives), elle se hisse à la deuxième place du classement parmi les quatre processus potentiels de réforme des institutions. Si l’assemblée constituante élue est privilégiée (entre ces deux options) dans l’électorat de Jean-Luc Mélenchon (qui portait la proposition dans son programme à la présidentielle) et de Marine Le Pen, elle est davantage rejetée dans celui d’Emmanuel Macron. Seuls les électeurs d’Emmanuel Macron sont convaincus par la commission transpartisane8 sur la réforme des institutions. S’il obtient tout de même la mention médiane « assez bien », le dispositif annoncé par le président de la République pour relancer le chantier de la réforme des institutions se place dernier du classement parmi les quatre processus potentiels évalués dans le sondage. L’idée d’une commission transpartisane reçoit la plus grande proportion de mentions « insuffisant » ou « à rejeter » de la part des Français dans leur ensemble (19,9%). Cette proportion d’évaluations négatives et très négatives s’élève à 21,7% dans l’électorat de Marine Le Pen et à 21,6% chez les personnes ayant Lire la suite…