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C’est par un petit décret de 2 articles seulement qu’est revenu le souffle du vent mauvais, attisant ce 21 février les braises encore incandescentes sur lesquelles le monde associatif français ne cesse de se brûler les pieds. Un décret certes bien court, mais « portant annulation de crédits » pour… 10 milliards d’euros tout de même (voir le décret). Et dont le second article énumère, sur pas moins de 154 lignes de tableur Excel, le nom et le montant des crédits ministériels qui ne verront jamais le jour. Vous en voulez la liste ?

Jeunesse et vie associative (-14%), mobilités durables, accès et retour à l’emploi, aide publique au développement, cohésion des territoires, logement, politique de la ville, égalité des chances, culture, politique d’asile et d’intégration… En voilà suffisamment pour émouvoir tout le secteur associatif, déjà fort marri de n’avoir au gouvernement aucun Secrétaire d’Etat, à peine une simple « interlocutrice » en la personne de la ministre de l’Éducation nationale : Nicole Belloubet ne s’ést pas vu attribuer la vie associative en tant que politique à mettre en œuvre. Elle sera donc aux ordres du Premier ministre sur le sujet.

C’est « Plein tarif pour le non-lucratif », s’égosille le Mouvement associatif présidé par Claire Thoury, dans sa dernière prise de parole sur les réseaux sociaux (lire ici). Plein tarif… autant dire : « on s’en prend plein la figure ». Ou encore : « le secteur associatif non-lucratif devra se débrouiller seul » pour financer les actions pour ses bénéficiaires. Au risque de devoir augmenter ses tarifs. Ou de rendre payantes des activités jusqu’ici gratuites. Ou encore… de les arrêter.

Un plongeon continu des financements

Fin janvier, le syndicat d’employeurs de l’éducation populaire Hexopée déplorait déjà une nette diminution des financements publics, laissant les structures dans une situation financière de plus en plus précaire. Mais pour elles, augmenter les tarifs de leurs activités pour résoudre une équation budgétaire difficile va à l’encontre de leur raison d’être, qui consiste à proposer des tarifs très accessibles au plus grand nombre. Cette fois, Hexopée s’interroge : annulation, gel, surgel, sur quelle politique, quel secteur, quel dispositif de soutien aux associations ? Rien n’est clair.

Martin Bobel, conseiller au CESE et administrateur du Réseau National des Ressourceries, alertait aussi le mois dernier : « Entre 2005 et 2020, les associations ont vu la part des subventions publiques baisser de 41% et celle des recettes marchandes augmenter de 33% ». Face à cette transformation profonde des modèles économiques, le Conseil économique social et environnemental (CESE) consultait les associations jusqu’au 14 février dernier (voir l’appel), pour nourrir des propositions d’évolution de l’action publique. Hâte d’en connaître les résultats ! 

L’interview de Maxime Baduel à Mediatico

Il faut repenser le modèle de financement des associations, ne cache pas Maxime Baduel, délégué ministériel à l’ESS, sous l’autorité de Bruno Le Maire et d’Olivia Grégoire, lui-même ancien responsable associatif chez Solidarités Nouvelles pour le Logement (SNL). Dans une interview vidéo exclusive à Mediatico publiée hier, il affirme que sa délégation à l’ESS, à Bercy, ne sera pas touchée par les 10 milliards d’euros d’économies de l’Etat. Mais il ajoute : « Bien entendu, qu’il faut réfléchir à renforcer les moyens de l’ESS, donc il va falloir réfléchir à les rationaliser » (découvrir notre interview vidéo). 

Maxime Baduel évoque aussi plusieurs pistes nouvelles de financement des associations, à commencer par une réflexion profonde sur les subventions comme rémunération du portage local de nouvelles politiques publiques, à l’instar de la circulaire Valls de 2015 (lire ici). Autre piste, celle de la diminution des charges qui pèsent sur les associations employeuses, en faisant baisser la taxe sur les salaires du secteur associatif. Il évoque même les financements européens, mais encore faudrait-il que l’Europe change son image de lourdeur, de lenteur et d’impuissance, qui peut être erronée mais qui n’en est pas moins fortement ancrée dans l’esprit des Français.

La confiance est rompue pour longtemps

En attendant, le Mouvement associatif qui représente la moitié de 1,5 million d’associations françaises, avec leur 13 millions de bénévoles réguliers et leurs 2,5 millions de salariés, dénonce sans cesse depuis 2017 la mise au ban, par le pouvoir exécutif, des corps intermédiaires. Puis la suppression des emplois aidés. Puis la signature obligatoire du Contrat d’engagement républicain. Puis encore l’invention du terme “éco-terroristes”. Puis les interpellations policières pour désobéissance civile même pacifiste. Puis la dissolution in extremis d’associations, heureusement réhabilitées peu après par la justice… C’est est trop.

Voici donc venue l’heure de nouvelles restrictions budgétaires. À nouveau, les associations se sentent maltraitées. Pire, elles se disent non-considérées. Au regard de leurs actions, que l’on dit pourtant essentielles pour la cohésion sociale et pour la vie démocratique, c’est à n’y rien comprendre. Elles étaient applaudies hier, lorsqu’elles montaient en première ligne et qu’elles offraient un horizon d’espoir aux Français confinés. Aujourd’hui, la soupe à la grimace est permanente. Et sans interlocuteur au gouvernement, la confiance est rompue pour longtemps.


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