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En marge de la Rencontre des entrepreneurs de France cet été, autrement dit l’université d’été du Medef du 28 août dernier, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, avait eu cette petite phrase, lancée comme un ballon d’essai : « Nous sommes à presque 120.000 contrats aidés entre les PEC et les CIE pour l’année 2023, soit un niveau très supérieur à ce que nous avons connu en 2018 ou 2019. Le nombre d’emplois aidés devrait diminuer d’environ 15.000 l’an prochain, c’est un ordre de grandeur sur lequel nous travaillons encore aujourd’hui ». Soit une baisse à prévoir d’environ 15%.

Nous étions donc fin août et dans l’attente, pour clarifier les chiffres, de la présentation du budget 2024 intervenu la semaine dernière. Dans l’intervalle, pas de réaction associative à l’horizon, ou presque. Dans le doute, les syndicats ne sont pas montés au créneau. Indécises, les collectivités locales non plus. Alors Olivier Dussopt a enfoncé le clou. À la massue : le projet de budget 2024 présenté la semaine dernière, qui doit encore être débattu au Parlement, prévoit finalement le financement de 82.000 contrats aidés l’année prochaine. 

Allez, on sort la calculette !

Qu’entend-on par l’expression « contrats aidés » ? Ce sont des emplois remboursés à hauteur de 45% par l’Etat aux employeurs publics et associatifs – et dans une moindre mesure à quelques employeurs du secteur privé – en compensation de l’embauche de personnes éloignées de l’emploi, qu’il convient de former, d’encadrer et d’accompagner, afin de les aider à revenir progressivement sur le marché de l’emploi classique. Ces employeurs-là assurent une partie du service public de l’emploi, il est naturel que l’Etat les rémunère pour cela.

Mais ?!? Que ceux qui sont bons en maths lèvent le doigt et comptent avec moi : 120.000 – 15.000 = 82.000. Ah non, tiens, ça ne marche pas. Recommence, Olivier : 120.000 – 38.000 = 82.000. Ouiiiii, bravo, tu vois quand tu veux tu y arrives ! Tu viens de supprimer 38.000 contrats aidés. Ca fait plein d’économies, c’est Bruno qui va être content. Et l’année prochaine, tu verras les fractions et les pourcentages, et tu apprendras que 100 – (82.000 / 120.000 x 100), ça fait plus de 30%. Tu es donc en train de faire baisser le nombre de contrats aidés de 30% pour l’année prochaine, bravoooo !

Les vrais chiffres de 2018 et 2019

Un petit détail quand même, Olivier : tu as dit que 120.000, c’est un niveau très supérieur à ce que nous avons connu en 2018 ou 2019. Alors je suis allé chercher dans mes vieux cahiers. Tu sais quoi ? J’ai retrouvé des chiffres très rigolos, qui montrent que tout le monde peut se tromper : 450.000 CUI-CAE étaient budgétés en 2016, puis 320.000 en 2017, puis 200.000 en 2018 et à peu près autant en 2019. Mais toi, pour 2018 et 2019, tu as dit que c’était trois fois moins. Il va falloir qu’on révise aussi les divisions et les tables de multiplication, hein Olivier ! 

Et puis tu as dit : « Nous sommes à presque 120.000 contrats aidés entre les PEC et les CIE ». Bon là, je retire un demi-point sur ta copie, parce que tu n’as pas bien appris ta leçon. Je rappelle que les Parcours Emploi Compétences (PEC) se déclinent aujourd’hui en deux catégories : les Contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) réservés au secteur public et aux associations ; et les Contrats Initiative Emploi (CIE) pour les employeurs privés. C’est vrai que tout ça, c’est compliqué à mémoriser. D’autant que les règles changent tous les deux ans. Mais rappelle-toi que c’est juste un petit tour de magie tout simple, qui permet à l’Etat de financer différemment les uns ou les autres alors qu’au bout du compte c’est le même public qu’on veut remettre au taf. 

170.000 associations employeuses

Bref, en tous les cas, je retiens que, dans ton hypothèse, on ne touche pas aux postes en apprentissage, puisque la prime de 6.000€ par an est budgétée jusqu’à la fin du quinquennat. Ni aux emplois francs, parce que les banlieues se sont un peu échauffées cet été. Ni aux postes qui relèvent de l’insertion par l’activité économique (IAE) parce que tu aimes bien les entreprises d’insertion (EI). Et comme tu as déjà décidé de réduire les crédits de l’expérimentation Territoire Zéro Chômeur comme je le disais la semaine dernière, c’est sûr, il ne reste plus que les CAE et les CIE.

Après, il y a un bon journal, « Les Echos », qui pense que tout cela ne générera pas une économie très importante : entre 100 et 200 millions d’euros par an. Et encore, pas tout de suite. Mais ce n’est pas bien grave. Je suis sûr que les 170.000 associations employeuses en France ne t’en tiendront pas rigueur. Elles n’ont qu’à aller chercher des bénévoles. Ou des allocataires du RSA qui pourraient se bouger un peu plus les fesses. En tous cas, je suis sûr qu’elles sont super contentes que tu mettes, « en même temps », 1,7 milliard d’euros sur la table pour que Pôle Emploi devienne France Travail. Yesss !

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