Dans le département de la Nièvre, le village de Brassy bénéficie d’un accompagnement de la coopérative Villages Vivants et s’inscrit dans une démarche plus globale « Villages du futur », portée par le pays Nivernais-Morvan. Le projet, qui s’étale sur 10 ans, vise à imaginer le futur pour les communes rurales en associant les habitants, « pour que les villages soient des espaces de vie plutôt que des espaces de bref passage, de simple consommation, ou d’abandon ». Jean-Sébastien Halliez, maire de la commune, détaille la démarche.
Pouvez-vous décrire les particularités du village de Brassy ?
Jean-Sébastien Halliez : Brassy est un village de 650 habitants permanents et qui double de taille durant l’été avec les résidents secondaires. Il est situé dans le Parc Naturel du Morvan, en Bourgogne. La première « grande ville » est à 50 minutes de route. Nous avons donc une offre commerciale, artisanale et associative très riche. La commune est constituée d’un centre-bourg et d’une dizaine de hameaux. Sa superficie est de 54 kilomètres carrés, soit la moitié de la superficie de la commune de Paris. Les habitants viennent se rencontrer dans le centre-bourg, participer à la vie locale… La présence de commerces de proximité est à la fois un service en terme d’utilité économique, mais participe aussi au vivre ensemble afin de créer du lien et des projets.
Comment souhaitez-vous dynamiser votre centre-bourg ?
Jean-Sébastien Halliez : Le centre bourg de Brassy est déjà dynamique, mais un hôtel-restaurant a fermé il y a une petite dizaine d’années, du fait du décès de son propriétaire. La fermeture a été un traumatisme dans le village. Le bâtiment a été racheté il y a deux ans par un privé, qui en a fait des chambres d’hôtes et un gîte. Pour la partie avant, c’est à dire la façade de l’ancien café, il a proposé aux habitants de la commune de s’en saisir. La commune a répondu et a acheté l’ancien café de 45 mètres carrés, avec une cave en dessous.
Dans ce cadre-là, nous avons monté un dossier de financement et travaillé avec un architecte pour la remise en état. Ce commerce sera proposé sous forme d’un appel à initiatives d’ici quelques semaines. Les participants devront proposer un projet avec une valeur ajoutée par rapport à ce qui existe déjà sur la commune. Nous avons déjà un café/restaurant à côté, une boulangerie, un bar tabac… On peut donc imaginer un projet multi-services, une conciergerie, un commerce alimentaire, une librairie rurale… Tout est possible.
Comment le programme « Villages du futur » est-il né et quelles en sont les particularités ?
Jean-Sébastien Halliez : « Villages du futur » est né d’une prise de conscience au début des années 2010 d’un manque de considération des pouvoirs publics pour les villages des territoires ruraux. A l’époque, il y avait beaucoup de fermetures de services publics : maternités, poste, trésor public… Deux idées se sont conjuguées : la première était défensive, on appelait ça « le bouclier rural ». Cela consistait à dire que les habitants de tous les territoires ont droit à un service public, selon des normes minimales : vivre à moins de 45 minutes d’une maternité, à 15 minutes d’une maison de services publics… Il y avait également une deuxième idée, plus offensive et créative, qui consistait à imaginer le village idéal de demain avec les habitants. Demain pouvant être dans un an, ou dans vingt ans.
La démarche « villages du futur » est née d’abord dans le Morvan, puis elle s’est développée en Bourgogne. Brassy fait partie de ce programme depuis le début de l’année. Dans quelques semaines, nous allons organiser une réunion publique avec les habitants pour leur présenter les idées remontées du terrain. Depuis quelques mois, nous organisons des ateliers, des balades citoyennes et des réunions thématiques, que ce soit sur le développement durable, le vivre ensemble ou le lien intergénérationnel, ou encore l’investissement public en termes de bâtiments et de services. La notion de commerce de proximité fait donc partie de cette démarche-là.
Quelle place la coopérative Villages Vivants a-t-elle dans ce programme ?
Jean-Sébastien Halliez : C’est une démarche pluridisciplinaire. Il y a des économistes, des architectes, des urbanistes… Villages Vivants nous accompagne en termes d’animation, mais aussi sur le chiffrage économique des projets.
Comment les habitants accueillent-ils le programme ?
Jean-Sébastien Halliez : Dans le village, il y a aujourd’hui un consensus pour dire que c’est une bonne chose que la commune maîtrise le foncier et l’offre commerciale. Il ne s’agit pas que de baux commerciaux, mais également d’une place dans la vie de la cité. Sur le programme « Villages du futur », il y a encore une part d’interrogation des habitants : ils sont une minorité à participer aux ateliers, alors que sur des formats de réunions plus classiques il y a beaucoup de participation. Imaginer sa commune en 2050 est plus dur pour beaucoup de gens que de participer à des décisions directes. Mais dans un village, les décisions doivent se prendre dans le consensus, dans une forme de compréhension majoritaire. Pour cela, nous avons besoin de temps.
Y a-t-il eu de nouvelles installations d’habitants depuis la crise sanitaire ?
Jean-Sébastien Halliez : Depuis la crise sanitaire, nous avons vu plusieurs installations qui n’étaient pas prévues. Nous avons par exemple 60 enfants à l’école, contre 53 l’an dernier. Les nouveaux habitants recherchent des paysages, de l’espace, mais aussi le vivre ensemble et l’appartenance à une communauté associative et relationnelle. Je trouve qu’il y a là une volonté de leur part de comprendre la vie locale.
Le foncier immobilier est-il fragilisé ?
Jean-Sébastien Halliez : Il y a trois ans, nous avions une vingtaine de maisons à vendre sur la commune. Aujourd’hui, il n’y en a plus que deux. Nous nous reportons sur les terrains à bâtir, avec une grande vigilance quant au phénomène de gentrification. Nous sommes sur un territoire où les salaires sont bas et le niveau de vie plutôt modeste.
Propos recueillis par Elodie Potente