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Ca y est, l’IVG entre dans la Constitution. A l’aube du 8 mars, journée internationale des droits des femmes reconnue par l’ONU, la France s’affiche, fière et pionnière, premier pays au monde à inscrire la liberté d’avorter dans son texte de loi fondamentale. À ceux qui pensent que « la Constitution n’est pas un catalogue de droits sociaux », nos 925 députés et sénateurs, réunis en Congrès à Versailles, ont répondu clairement : 780 d’entre eux ont affirmé que la Constitution régit certes le fonctionnement de nos institutions, mais qu’elle consacre aussi les valeurs fondamentales notre République. Le vote est clos. La République avance.

L’IVG inscrit dans la Constitution, c’est la victoire des collectifs féministes, après des dizaines d’années de mobilisation. Engagées dans le monde associatif d’abord, en politique ensuite, elles ont lutté pour leur autonomie financière, pour l’égalité des droits, des tâches et des salaires, et pour le respect de leur corps. Elles ont fait l’histoire. Dans un excellent discours, le Premier ministre Gabriel Attal n’a pas manqué hier de rendre hommage à Gisèle Halimi, à Simone Veil, ou à Annie Ernaux dont « L’Événement » (titre du livre qui raconte son avortement clandestin) s’est produit voilà tout juste 60 ans, en janvier 1964.

Le Jour, la Semaine… le Mois du féminisme !

Dans l’économie sociale et solidaire, où le combat féministe est souvent présent, le coup d’envoi est ainsi donné à cette journée du 8 mars, journée mondiale des droits des femmes, qui devient, selon les acteurs locaux qui s’en saisissent, ici la Semaine du féminisme, là le Mois de l’égalité femmes-hommes… Avec sa kyrielle d’événements qui n’a de limites que l’imagination des femmes et des hommes qui le portent. Demandez le programme !

Dans ce café associatif du 14e arrondissement cher à mon coeur, le « Mois féministe » propose ainsi une « dictée Pivot » sous l’angle du féminisme, une conférence-débat solidaire des femmes africaines, une soirée de stand-up où quatre artistes abordent avec humour leur vision du féminisme… Sans oublier une projection-débat sur la montée en puissance du mouvement féministe racontée de l’intérieur, ou encore cette soirée culturelle colombienne avec repas dédié et discussion sur la double discrimination que subissent les femmes migrantes.

C’est quoi pour toi, le féminisme ?

Dans les lieux d’éducation populaire aussi, la question est soulevée : C’est quoi le féminisme ? En réponse, quelques paroles d’habitants  : « C’est la liberté des femmes à choisir leur destin » ; « C’est le droit de payer ma tournée » ; « Je suis pour l’égalité pour tous » ; « Défendre une femme agressée dans la rue, c’est normal ou féministe ? » ; « C’est offrir autant de respect aux femmes qu’aux hommes que l’on rencontre » ; « C’est constater l’évolution de NOS DROITS » ; « C’est la possibilité de parler féminisme avec mes grands-parents ». En effet, les générations se succèdent et ne se ressemblent pas. 

Revenons donc à Annie Ernaux. Prix Nobel de littérature, elle était invitée la semaine dernière par la revue féministe « La Déferlante » pour le lancement de son 13e numéro, consacré justement à l’avortement. J’ai eu la chance d’y assister, puisque l’événement se déroulait dans notre tiers-lieu Césure… et que nous filmions la soirée pour une retransmission live (voir ci-dessous 🙂 Plus d’une heure avant l’ouverture des portes, la queue sur le trottoir jusqu’au métro ! Au moins 500 participant.e.s (public féminin à 95%) deux amphis pleins à craquer… et bien des déceptions une fois la jauge maximale atteinte. 

Quand Annie Ernaux cherchait une faiseuse d’anges

A leur entrée dans la salle, deux députées sont applaudies, Mathilde Panot et Sandrine Rousseau. Mais pas autant applaudies qu’Annie Ernaux lors de sa montée sur scène. La voilà qui raconte à nouveau sa douleur, son avortement clandestin, son souvenir indélébile. Égarée, démunie, elle cache sa grossesse durant deux mois à ses parents comme à ses amis proches. Et cherche désespérément une “faiseuse d’anges”. Face à une salle comble, elle partage son expérience et délivre ses messages aux plus jeunes. 

Une table ronde exceptionnelle à laquelle participent également Monia El Kotni (anthropologue de la santé) et Sarah Durocher (présidente nationale du Planning Familial), sous l’animation de la corédactrice en chef de La Déferlante, Emmanuelle Josse. Sous nos yeux, défilent 50 ans de combats féministes, depuis le vote de la loi Veil qui légalisa l’avortement en France, jusqu’aux menaces toujours actuelles contre le Planning Familial. 

En France, des locaux du Planning Familial sont attaqués

Car la légalisation de l’IVG n’est pas un acquis, même inscrite dans la constitution. Les exemples à l’étranger ne manquent pas. L’Iran ? L’Afghanistan ? C’est indiscutable. Mais aussi dans des pays plus proches du nôtre, qui virent à l’extrême-droite. La Pologne. La Hongrie. Même les Etats-Unis, où la Cour Suprême trumpiste est revenue voilà deux ans sur cette liberté, empêchant par exemple les femmes d’avorter aujourd’hui au Texas. 

En France, la liberté d’accès au Planning Familial n’est pas non plus garantie dans tous les départements. Floriane Volte, porte-parole de la Fondation des Femmes, témoignait hier encore : « L’IVG reste menacé en France, on le voit quand des locaux du Planning Familial sont attaqués ». 

Et Gabriel Attal d’insister, devant le Congrès de Versailles : « La liberté d’avorter reste en danger, car elle est à la merci de ceux qui en décident ». Au moins, dans la Constitution, ce droit sera-t-il nettement plus difficile à détricoter. Oui, la France est pionnière.


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