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Dans ce monde où nos repères s’effritent, il reste heureusement la justice pour légitimer l’action associative, indispensable rempart de nos acquis démocratiques. Ces dernières semaines, plusieurs tribunaux sont ainsi intervenus pour rétablir dans leurs droits plusieurs associations. Et renvoyer le gouvernement à ses devoirs. Car les attaques parmi les plus farouches proviennent aujourd’hui d’une partie du pouvoir exécutif. Celui-ci devrait, à l’inverse, être garant de nos libertés individuelles et d’une projection collective vers un avenir partagé. Mais tel n’est pas le cas.

Plus de 120 ans après la loi Waldeck-Rousseau relative au contrat d’association, qui garantit depuis 1901 l’une de nos grandes libertés républicaines, comment accepter que l’État refuse que des citoyens se forment à la désobéissance civile non-violente ? A moins d’être totalitaire, cet État-là est dans l’obligation d’accepter la contradiction. C’est ce que lui a rappelé la semaine dernière le tribunal administratif de Poitiers, en donnant tort au préfet qui contestait les subventions accordées à l’association Alternatiba Poitiers pour l’organisation d’un village des alternatives.

Précarité, climat, même combat

70 ans après l’Abbé Pierre, comment accepter qu’une distribution alimentaire au bénéfice des sans-abri soit encore qualifiée de « trouble à l’ordre public » ? Mi-octobre, Utopia 56, la Ligue des droits de l’homme (LDH) et la Fédération des acteurs de la solidarité, notamment, ont obtenu que la justice suspende un arrêté de la Préfecture de police, qui interdisait pour un mois les distributions alimentaires dans les 10e et 19e arrondissements de Paris, où se rassemblent de nombreuses personnes migrantes et sans domicile fixe. La juge des référés a estimé que cette interdiction avait pour effet « de restreindre pour des centaines de personnes en situation de grande précarité l’accès à une offre alimentaire de première nécessité », juste après que les Restos du Coeur eurent prévenu qu’ils ne pourraient pas servir tous les demandeurs cet hiver.

Huit ans après l’Accord de Paris sur le climat, comment accepter en France qu’un ministre de l’Intérieur assimile le militantisme écologique à du terrorisme en parlant d’éco-terrorisme ? Le ministre avait engagé en mars la dissolution du mouvement écologiste Les Soulèvements de la Terre pour actions violentes lors des manifestations contre les « méga-bassines » à Sainte-Soline. La dissolution a été suspendue en août par le Conseil d’Etat, qui a définitivement tranché en novembre en estimant “qu’aucune provocation à la violence contre les personnes ne peut être imputée aux Soulèvements de la Terre ». Dont acte.

Où sont les contre-pouvoirs ?

Dans la dernière émission “ESS News” de Mediatico, Claire Thoury, présidente du Mouvement Associatif, voyait là de bonnes nouvelles. Sur les Soulèvements de la Terre : « Dans un moment de tensions autour des libertés associatives, il faut rappeler que le droit d’association est protégé par la Constitution », estime-t-elle. Ou encore, sur Alternatiba Poitiers : « On ne peut pas laisser dire que la désobéissance civile est une nouvelle forme de séparatisme ». 

Ces décisions de justice interrogent toutefois sur les prérogatives du ministre de l’Intérieur, en responsabilité dans toutes ces initiatives de restriction des libertés associatives. Est-il dans son rôle de protection des citoyens, comme il le prétend à l’heure où le terrorisme frappe à nouveau ? Ou dans une stratégie de conquête personnelle du pouvoir, que lui confère trop facilement la presque-toute-puissance de son ministère ? Et dans ce cas, où sont les contre-pouvoirs ?

Le législatif est paralysé. Les syndicats sont atrophiés. Les médias sont honnis. Les citoyens sont abasourdis… A l’heure de la discussion parlementaire sur une énième loi immigration – qui voudrait bien supprimer l’Aide médicale d’État pour les sans-papiers -, la question mérite d’être posée. Il nous reste heureusement la justice, trop lente mais qu’il nous faut défendre. Et les associations militantes, qu’il nous faut soutenir car elles disent tout haut ce qu’il convient d’entendre plus fort.


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